LA RESTAURATION DE LA LITURGIE ROMAINE

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En décidant de convoquer un concile pour achever le travail initié par le « mouvement liturgique » et par Vatican I, Jean XXIII envisage non pas de « réformer » la liturgie romaine, mais de la « restaurer », comme le dira plus tard Benoît XVI. Il est évident que les pères conciliaires ne seront en aucun cas invités à « fabriquer » un nouveau missel, un nouveau rite ; il leur sera uniquement demandé d’énoncer des principes généraux à partir desquels il sera possible de donner plus de vitalité et plus de vérité à la liturgie romaine qui, à l’époque, n’est pas encore parvenue à se dégager totalement de contraintes et de rigidités héritées de ce que les siècles passés ont parfois produit de moins bon dans le domaine religieux et qui donnent à certaines célébrations un caractère souvent désuet ou compassé.

La Commission chargée de préparer les travaux conciliaires.

Des organismes préparatoires au Concile ont été nommés et chargés de recueillir les propositions, les vœux et les demandes émanant des épiscopats, des universités et des différents dicastères de la Curie romaine. A partir de la somme de réponses obtenues, une Commission est à son tour chargée d’élaborer un schéma devant servir à rédiger la Constitution conciliaire sur la Sainte Liturgie.
Cette Commission est d’abord présidée par le Cardinal Amleto Cicognani (1883-1973) qui reçoit très rapidement l’aide d’un Secrétaire, le Père Annibal Bugnini (1912-1982), lequel est alors professeur de liturgie à l’Université du Latran. Le 26 août 1960 est établie une première liste de 19 membres et de 32 consulteurs. Assez curieusement, il n’y figure aucun nom d’évêque français ou allemand, ni aucun nom de responsable des Instituts liturgiques de ces deux pays pourtant à la pointe du « mouvement liturgique ». Le Saint-Siège a-t-il voulu signifier sa méfiance envers ceux qui, grisés par les expériences liturgiques qu’ils ont lancées sans autorisation, finissent par outrepasser leurs droits et par ne plus toujours respecter la discipline ecclésiastique ? Quoi qu’il en soit, une liste complémentaire de consulteurs est dressée le 24 octobre suivant : on y trouvera la réparation des « oublis volontaires » de l’été.

Le schéma préparatoire à la Constitution Sacrosanctum Concilium.

Le schéma préparatoire à la Constitution sur la Liturgie se trouve sur le bureau du Cardinal Cicognani le 22 janvier 1962. Dès le lendemain, il est approuvé en séance plénière de la Commission.
Le 11 octobre de cette même année, Jean XXIII ouvre la première session du Concile en présence de 2 540 pères conciliaires. Dans son discours inaugural, le pape invite à favoriser un « dialogue » entre l’Eglise et le monde. En termes clairs, l’Eglise ne peut plus se contenter de vivre en vase clos : selon la parabole du semeur, il lui faut prendre en considération la qualité du terrain dans lequel elle doit semer la Bonne Nouvelle du Christ. Mais le « dialogue » entre l’Eglise et le monde tel qu’il est envisagé par le pape ne signifie pas « subordination » de l’Eglise au monde : il reste évident que c’est le monde qu’il faut renouveler dans le Christ selon l’Evangile, et non pas l’Eglise qu’il faut affadir en la mettant à la remorque du siècle.
Le premier schéma conciliaire à être discuté est celui qui concerne la restauration de la liturgie. Il recommande de veiller à ce que les fidèles puissent mieux participer aux actions liturgiques. Comme on s’aperçoit que les débats ont tendance à traîner en longueur, les pères conciliaires sont invités à abandonner les discussions portant sur les détails pour ne se prononcer que sur des questions plus générales ayant un rapport avec l’aspect proprement pastoral de la liturgie. Il ne s’agit donc ni de changer la structure de la messe, ni d’inventer des rites ou de modifier ceux qui appartiennent à la Tradition. Il s’agit encore moins de faire de constantes réformes ou des adaptations ponctuelles, mais bien de rendre la liturgie apte à mieux signifier le Mystère qu’elle célèbre.
Il est cependant exact que, pour réaliser un tel programme, il faudra parfois se résoudre à abandonner certains usages introduits tardivement dans la liturgie pour à remettre en valeur des gestes et des prières qui se sont perdus au cours des siècles. La forme extérieure du rite romain sera quelque peu modifiée : des nouveautés apparaîtront dans la façon de mettre en œuvre la liturgie, et des gestes que l’on considérait comme vénérables, uniquement parce qu’on les avait toujours vu faire, devront parfois être abandonnés. Mais, bien compris et correctement réalisés, ces agencements se feront au bénéfice d’une plus grande clarté de ce que les rites constitutifs de la liturgie symbolisent et réalisent.

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L’approbation de Sacrosanctum Concilium.

Le 14 novembre 1962, le texte de la Constitution sur la Sainte Liturgie est approuvée par 1922 voix contre 11. Son préambule s’ouvre par ces paroles latines qui servent à désigner le document de référence : « Sacrosanctum Concilium... » ; « Puisque le Saint Concile se propose de faire progresser la vie chrétienne de jour en jour chez les fidèles; de mieux adapter aux nécessités de notre époque celles des institutions qui sont sujettes à des changements; de favoriser tout ce qui peut contribuer à l’union de tous ceux qui croient au Christ et de fortifier tout ce qui concourt à appeler tous les hommes dans le sein de l’Eglise, il estime qu’il lui revient à un titre particulier de veiller aussi à la restauration et au progrès de la liturgie (...) ».

Une Constitution à lire avec les yeux de la foi catholique.

« Restauration » et « progrès » : tels sont bien les deux mots-clés qu’il faut garder en mémoire dès lors qu’on veut lire la Constitution Sacrosanctum Concilium en vue d’en comprendre l’esprit et d’en appliquer intelligemment les principes.
Contrairement à ce qu’on a parfois pensé, dit ou enseigné, le Concile Vatican II n’est pas un début ou un aboutissement : il n’est qu’une étape dans la vie de l’Eglise. On ne peut donc le comprendre qu’à la lumière des conciles qui l’ont précédé et dans la perspective - aussi floue puisse-t-elle être à nos yeux - de l’Eglise future. Pour saisir la véritable dimension et la portée de la restauration liturgique souhaitée par l’Eglise au moment de Vatican II, il convient donc de la placer dans une authentique vision de foi : dans une « herméneutique de continuité » dira Benoît XVI.

La Constitution « Sacrosanctum Concilium » dans l’histoire de la liturgie.

C’est le pape Jean-Paul II (1920-2005) qui, en quelques lignes admirables, nous explique la place qu’occupe la Constitution sur la Sainte Liturgie dans la vie de l’Eglise : « Pour répondre aux instances des Pères du Concile de Trente, préoccupés par la réforme de l’Eglise de leur temps, le Pape saint Pie V procéda à la réforme des livres liturgiques, en premier lieu le Bréviaire et le Missel. C’est le même objectif qu’ont poursuivi les Pontifes romains au cours des siècles suivants en assurant la mise à jour des rites et des livres liturgiques ou en les précisant, et ensuite, depuis le début de ce siècle, en entreprenant une réforme plus générale. Saint Pie X institua une Commission spéciale chargée de cette réforme, dont il pensait qu’il faudrait de nombreuses années pour l’achever, mais il posa la première pierre de l’édifice en restaurant la célébration du dimanche et en réformant le Bréviaire romain. « En vérité, affirmait-il, tout cela exige, selon le jugement des experts, un travail aussi étendu par son ampleur que par le temps qu’il demandera; aussi est-il nécessaire que passent de nombreuses années avant que cet édifice liturgique, pour ainsi parler... apparaisse de nouveau dans la splendeur de sa dignité et de son harmonie, une fois nettoyé des enlaidissements dus à l’âge ». Pie XII reprit le grand dessein de réforme de la liturgie en publiant l’Encyclique Mediator Dei et en instituant une nouvelle Commission. Il prit, par ailleurs, des décisions sur des points importants, comme la nouvelle version du Psautier, pour faciliter l’intelligence de la prière des psaumes, l’assouplissement du jeûne eucharistique, pour favoriser un accès plus facile à la Communion, l’usage de la langue vivante dans le Rituel, et surtout la restauration de la Veillée pascale et de la Semaine sainte. Au début du Missel romain de 1962 figurait la déclaration de Jean XXIII selon laquelle « les grands principes commandant la réforme de l’ensemble de la liturgie devaient être proposés aux Pères au cours du prochain Concile œcuménique ». Une telle réforme d’ensemble de la liturgie répondait à une attente générale dans l’Eglise. Car l’esprit liturgique s’était répandu de plus en plus dans presque tous les milieux, avec le désir d’une « participation active aux mystères sacrosaints et à la prière solennelle de l’Eglise », avec aussi l’aspiration à entendre la Parole de Dieu plus largement. Liée au renouveau biblique, au mouvement oecuménique, à l’élan missionnaire, à la recherche ecclésiologique, la réforme de la liturgie devait contribuer à la rénovation globale de l’Eglise. Je l’ai rappelé dans ma lettre Dominicae Cenae : « Il existe en effet un lien très étroit et organique entre le renouveau de la liturgie et le renouveau de la vie de toute l’Eglise. L’Eglise agit dans la liturgie, mais elle s’y exprime aussi, elle vit de la liturgie et elle puise dans la liturgie ses forces vitales ». La réforme des rites et des livres liturgiques a été entreprise presque aussitôt après la promulgation de la Constitution Sacrosanctum Concilium et réalisée en quelques années grâce à un travail considérable et désintéressé d’un grand nombre d’experts et de pasteurs de toutes les parties du monde. Ce travail a été accompli suivant le principe conciliaire : fidélité à la tradition et ouverture à un progrès légitime. Aussi peut-on dire que la réforme liturgique est strictement traditionnelle « ad normam Sanctorum Patrum ». »
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La Constitution rappelle les grands principes de la liturgie.

Le Préambule de Sacrosanctum Concilium, ainsi que les chapitres I et II contiennent un enseignement qui vaut pour la liturgie en général, quel que soit le rite légitime dans lequel elle est réalisée. Ainsi, pour la première fois dans l’histoire de l’Eglise - et bien que la restauration liturgique envisagée par Vatican II ne touche directement que le rite romain - la liturgie est abordée tant sous l’angle de son universalité que sous l’aspect de sa solennité.
La liturgie est ensuite présentée dans le cadre de l’économie du salut : la Constitution insiste sur le rôle qu’elle joue dans l’Eglise et dans la vie de chaque chrétien pris individuellement. Reprenant mot pour mot une formule de Mediator Dei, le Concile enseigne que toute célébration liturgique est le culte total du Corps du Christ, les membres étant unis à la Tête. Un tel culte ne peut donc se réaliser qu’à travers un double mouvement: un mouvement descendant où Dieu a l’initiative lorsqu’il fait venir ses dons divins sur l’homme, et un mouvement ascendant dans lequel l’homme, en réponse à ce qu’il reçoit de son Créateur, fait monter vers Dieu sa louange et exprime son adoration.
Enfin, le texte conciliaire insiste sur les différents modes de présence de Dieu dans la liturgie: Dieu est présent dans sa Parole proclamée, dans la personne du ministre de l’Eglise qui célèbre et, d’une façon toute particulière, dans les espèces consacrées du Pain et du Vin.

L’aspect « pastoral » du rite romain restauré.

Certes, comme il s’était engagé à le faire, le Concile met l’accent sur l’aspect « pastoral » que doit revêtir toute liturgie.
Peut-être est-il nécessaire de préciser ici le sens du mot « pastoral », terme souvent utilisé dans les années qui ont suivi Vatican II. La véritable « pastorale », comme l’explique Paul VI lui-même, doit d’abord consister à rendre les cérémonies liturgiques claires et accessibles aux fidèles. Elle ne saurait se confondre avec un appauvrissement ou une réduction de la liturgie visant à adapter les célébrations à ce qu’on imagine être la capacité des fidèles. La « pastorale » authentique consiste à se donner les moyens pour que la liturgie puisse être célébrée dans toute sa dignité et sans subir de déformations : car une liturgie que l’on déforme en croyant la rendre plus vivante ou plus parlante est une liturgie qui déroute plus qu’elle ne sécurise, qui souvent agace plus qu’elle ne pacifie.
Ainsi, toute « pastorale » qui conduirait à favoriser une continuelle créativité serait une pastorale douteuse - pour ne pas dire dangereuse -. Se basant sur une supposition erronée selon laquelle le rite doit exprimer les sentiments des fidèles et être leur œuvre, elle en viendrait à multiplier des cérémonies « psychologistes » et subjectives. Or l’expérience montre que si de telles cérémonies expriment les sentiments avec lesquels les fidèles perçoivent le divin, elles sont en contrepartie incapables de présenter le divin authentique à l’homme.
La mise en œuvre de la restauration liturgique sera très rapidement confrontée à cette question de la « pastorale ». Et une fausse conception de la « pastorale » largement introduite dans la mentalité de bien des clercs conduira à dénaturer les liturgies paroissiales dans des proportions variables. Ainsi, à force de souhaiter des célébrations « pastoralement adaptées », on en viendra souvent à transformer la liturgie en « étrange et minable théâtre qui ne justifie sûrement pas un déplacement tous les dimanches », dira le Cardinal Danneels. Ce n’est en aucun cas ce que souhaitait Vatican II.

LA CONSTITUTION « SACROSANCTUM CONCILIUM ».

La Constitution conciliaire sur la Sainte Liturgie se divise en plusieurs chapitres précédés d’un bref préambule. Mais le document magistériel forme un tout cohérent duquel il serait stérile de ne prendre que quelques morceaux choisis.

Le Préambule.

Il comporte trois grandes parties. La première précise l’orientation que devra prendre la restauration liturgique. La deuxième rappelle l’importance de la liturgie et sa place dans l’œuvre de rédemption opérée par le Christ. La troisième partie, enfin, indique que même si tous les rites légitimes reconnus dans l’Eglise sont égaux en droit et en dignité, le Concile entend n’aborder que la question de la restauration du « rite romain ».
Il s’agit donc bien, pour les Pères conciliaires, de réviser la liturgie romaine, et particulièrement le Missel romain tel qu’il a été reçu de la Tradition vivante et dans l’état dans lequel il se trouve depuis le concile de Trente : à aucun moment Vatican II n’envisage de « fabriquer » de toutes pièces un nouveau rite liturgique qui pourrait coexister de façon indépendante à côté de l’ancien.
Le Préambule insiste encore sur un point trop souvent passé sous silence : il montre que la vie de foi se présente toujours sous un double aspect, à la fois humain et divin, visible et invisible, porté à l’action et porté à la contemplation. Mais - dit encore le texte conciliaire - « tout ce qui est humain est ordonné et soumis au divin ; ce qui est visible à l’invisible ; ce qui relève de l’action à la contemplation... ». Telle doit aussi être la liturgie de l’Eglise : elle doit essentiellement demeurer soumise au divin, à l’invisible et à la contemplation même si, pour se réaliser, elle fait appel aux capacités humaines, avec tout ce qu’elles peuvent parfois avoir de lourd, de limité et de maladroit.

Le chapitre I.

Il précise la nature de la liturgie et son importance dans la vie de l’Eglise. S’appuyant sur les textes liturgiques les plus anciens (tels ceux du Sacramentaire de Vérone, par exemple) ou sur les enseignements des conciles antérieurs (tel celui de Trente), le texte de Vatican II montre que toute la vie sacramentelle de l’Eglise est née du côté transpercé du Christ endormi sur la Croix.
Ce chapitre montre ensuite les modes de présence du Christ dans les actions liturgiques : à la messe, le Seigneur est présent dans la personne du prêtre agissant in persona Christi et, d’une façon éminente, dans les espèces eucharistiques. Dans la célébration des sacrements autres que l’Eucharistie, le Seigneur est présent dans sa Parole et dans le chant des psaumes. « C’est donc a juste titre que la liturgie est considérée comme l’exercice de la fonction sacerdotale de Jésus-Christ, exercice dans lequel la sanctification de l’homme, signifiée par des signes sensibles, est réalisée d’une manière propre à chacun d’eux, et dans lequel le culte public intégral est exercé par le Corps mystique de Jésus-Christ, c’est-à-dire le Chef et par ses membres. »
Enfin, ce premier chapitre souligne que si la liturgie ne constitue pas l’unique activité de l’Eglise, elle ne demeure pas moins « la source et le sommet de la vie de l’Eglise ». Ainsi peut-on affirmer que gauchir ou trahir la liturgie, c’est polluer ou tarir la source à laquelle s’abreuve toute l’Eglise. Par conséquent, une crise de la liturgie ne peut que mener à une crise de l’Eglise, et inversement.
Si cette première partie s’achève en redisant toute l’importance que doivent avoir les « pieux exercices » et les dévotions populaires quand ceux-ci, soumis à la vigilance des Pasteurs, se greffent sur la liturgie, elle rappelle surtout que l’exécution parfaite d’un rite ne suffit pas pour garantir l’efficacité d’une célébration. La première condition à remplir est d’avoir les « dispositions d’une âme droite » : seule la disposition intérieure permet de ne pas recevoir en vain les grâces que procure la liturgie. Ainsi - ajoute encore le texte conciliaire - « les pasteurs doivent être attentifs à ce que dans l’action liturgique, non seulement on observe les lois d’une célébration valide et licite, mais aussi à ce que les fidèles participent à celle-ci de façon consciente, active et fructueuse ». Ce dernier rappel sonne un peu comme une mise en garde contre un certain « rubricisme » hérité des XVIIIe et XIXe siècles, lorsqu’il arrivait que l’on fasse tellement attention au parfait déroulement des cérémonies qu’on en venait parfois à oublier les fidèles présents ; lorsque les cérémonies attisaient à un tel point une piété toute personnelle qu’il devenait parfois impossible de pénétrer le véritable « esprit de la liturgie ».
De ce passage de la Constitution Sacrosanctum Concilium, beaucoup ne retiendront que l’expression « participation active » ; ils en feront comme le point de départ de toute leur « pastorale liturgique ». Il est intéressant de souligner ici que l’expression française « participation active » ne rend pas correctement l’expression latine originale « participatio actuosa ». De fait, la « participatio actuosa » grandement souhaitée par Vatican II ne doit pas être confondue avec une « participation activa ». Or on a trop souvent fait l’erreur de vouloir favoriser la « participation active » à la liturgie à l’aide d’une « participation activiste » : il en est résulté des célébrations agitées - pour ne pas dire « stressantes » - qui ne respectent plus toujours « les lois d’une célébration valide et licite » . Il en est trop souvent résulté une « déformation de la réforme liturgique » et une dévalorisation des célébrations que l’on croyait rendre plus accessibles et plus attrayantes.
Le pape Jean-Paul II rappellera clairement en quoi doit consister la « participation active » véritable : « Rien de tout ce que nous faisons, nous, dans la liturgie, ne peut apparaître comme plus important que ce que le fait le Christ, invisiblement, mais réellement, par son Esprit. La foi vive conduisant à l’amour, l’adoration, la louange du Père et le silence de contemplation seront toujours les premiers objectifs que devra atteindre une pastorale liturgique et sacramentelle ». La véritable « participatio actuosa » à la liturgie, voulue par Vatican II et à laquelle nous sommes appelés par l’Eglise, a donc bien pour préalable une forme d’effacement de soi-même, une soumission à ce qui ne vient pas de nous mais à qui nous est donné d’En-Haut.
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La notion de « restauration de la liturgie » dans la Constitution Sacrosanctum Concilium.

Le chapitre I de Sacrosanctum Concilium traite de la façon dont l’Eglise envisage la restauration du rite romain. Pour ce faire, le document conciliaire commence par rappeler en quoi doit consister le travail « restauration » : il s’agit d’ « organiser le textes et les rites de telle façon à ce qu’ils expriment avec plus de clarté les réalités saintes qu’ils signifient », en sorte que les fidèles puissent les saisir et y participer plus facilement.

Les normes générales devant guider la « restauration » du rite.

La Constitution commence par préciser qui a autorité pour restaurer la liturgie : c’est le Siège apostolique en tant qu’il est dépositaire du pouvoir exercé par l’Eglise. La liturgie étant le bien sacré de toute l’Eglise, personne d’autre ne pourra, de son propre chef, y enlever, ajouter ou changer quoi que ce soit.
Il est ensuite question de la grande prudence à avoir pour « réviser » les parties de la liturgie qui doivent l’être : « on ne fera des innovations que si l’utilité de l’Eglise les exige vraiment et certainement, et après s’être bien assuré que les formes nouvelles sortent des formes déjà existantes par un développement en quelque sorte organique ». Il s’agit donc non pas d’édulcorer les rites, comme on a pu le croire en certaines occasions ou en certains lieux, mais bien de leur donner une plus grande puissance signifiante.
La restauration envisagée va s’engager sur deux voies : celle de la redécouverte de la place que doit avoir l’Ecriture Sainte dans toute action liturgique et celle d’une révision des livres liturgiques sous l’autorité des évêques du monde entier. Le Concile montre ici toute l’importance de l’Ecriture : c’est sous son inspiration que nous chantons ; c’est d’elle que nous recevons un enseignement ; c’est elle qui nous pousse à agir ; c’est elle qui donne leur vraie signification aux symboles utilisés dans les célébrations.

La liturgie de l’Eglise : une action à la fois hiérarchique et communautaire.

Parce que la liturgie est à la fois un acte hiérarchique et communautaire, il n’est pas légitime de donner à une célébration une forme arbitraire. Ce point est un rappel fondamental de Vatican II.
« Hiérarchique » par nature, la liturgie exige d’être exécuté dans un certain ordre, selon une certaine logique - une « intelligence interne » qui lui est propre - qui ne dépendent pas à proprement parler de celui qui est chargé de la mettre en oeuvre au nom de l’Eglise.
« Communautaire », l’action liturgique ne peut apparaître aux yeux des fidèles ni comme un bien privé (celui du célébrant ou d’un groupe de fidèles), ni comme une « production locale » (paroissiale ou diocésaine), ni comme un moyen de favoriser des dévotions qui, bien que respectables en elles-mêmes, ne seraient et ne resteraient que personnelles. Ces points auront deux grandes conséquences pratiques : la première est que toute célébration devra toujours manifester la nature publique et sociale de la liturgie, la seconde est que « dans les célébrations liturgiques, chacun, ministre ou fidèle, en s’acquittant de sa fonction, fera seulement et totalement ce qui lui revient en vertu de la nature de la chose et des normes liturgiques ». Voilà pourquoi ceux qui sont appelés à exercer un « ministère » (célébrants, servants, lecteurs, commentateurs, choristes...) devront toujours l’exercer avec la piété et l’ordre que le peuple de Dieu exige d’eux à bon droit ; « aussi faut-il soigneusement leur inculquer l’esprit de la liturgie, selon la mesure de chacun, et les former à jouer leur rôle de façon exacte et ordonnée ».

Le caractère didactique de la liturgie implique de respecter certains principes.

A la base de la restauration liturgique se trouve, comme on l’a vu plus haut, un souci « pastoral » très légitime et d’autant plus utile qu’il avait souvent été négligé au cours des siècles précédents. Voilà pourquoi Vatican II souligne la nécessité de la « participation active » du peuple de Dieu : un mode de participation qui implique une volonté de s’ouvrir, de se disposer à recevoir l’enseignement que véhicule et transmet la liturgie. La « participation » véritable se réalise d’abord quand le fidèle fait siennes les actions, les oraisons et les chants de l’Eglise en prière et non pas en « adaptant » les célébrations pour les rendre plus « parlantes » ou agréables.
Pour favoriser une réelle participation permettant aux fidèles de recevoir en abondance la grâce de Dieu, la liturgie devra soit innover sur certains points, soit retrouver certains de ses traits fondamentaux parfois tombés dans l’oubli. Parmi ces traits, le Concile souligne :
- la transparence, la brièveté et la noble simplicité des rites. Il s’agit ici de retrouver ce qu’était le rite romain avant qu’il ne subisse l’influence d’une piété subjective et sentimentale ou avant qu’il ne soit recouvert par les pompes extérieures imitées des fastes qui avaient cours dans les sociétés d’Ancien Régime.
- l’union intime entre le rite et la Parole : celle-ci devra être clairement manifestée, plus particulièrement à travers le choix d’extraits bibliques variés et mieux adaptés aux fêtes célébrées.
- la possibilité de célébrer en employant les langues vernaculaires : la langue latine demeure incontestablement la langue de la liturgie romaine, mais elle perd son statut de seule langue pouvant être employée. A côté d’elle apparaîtront donc les langues courantes qui permettent aux fidèles d’avoir un accès direct aux textes liturgiques.
- la possibilité d’introduire au sein de la liturgie - moyennant le respect de certains principes - des richesses culturelles locales, en sorte que les célébrations puissent mieux s’harmoniser avec les sensibilités des divers peuples de la terre.
- la nécessité de développer une véritable vie liturgique diocésaine et paroissiale autour de l’évêque - gardien et promoteur de la liturgie authentique - ou de son représentant.
- la mise en œuvre d’une véritable « pastorale liturgique » diocésaine dont le premier responsable sera l’évêque et dont l’objectif sera de favoriser partout une application harmonieuse des principes de la restauration liturgique demandée par le Concile.

LE MYSTERE DE L’EUCHARISTIE SELON VATICAN II.

Le chapitre II de la Constitution Sacrosanctum Concilium aborde de façon plus directe et concrète la question de la célébration du mystère de l’Eucharistie. Après un bref rappel de l’origine de la messe et du sens profond et essentiel que doit revêtir la liturgie eucharistique (sacrement de l’amour, lien de la charité, banquet pascal au cours duquel le Christ se donne, canal de la grâce et gage de la gloire future), le texte conciliaire indique les bases sur lesquelles devra se faire la restauration de la liturgie romaine. Mais tout d’abord, la Constitution rappelle une nouvelle fois en quoi doit consister la véritable participation à la liturgie : s’offrir soi-même avec le Christ dans l’unité de Dieu. Puis, en une seule phrase, le texte conciliaire introduit l’essentiel : la révision et la restauration du rite de la liturgie romaine. Cette révision devra faire en sorte que les rites liturgiques eux-mêmes, par leur propre efficacité pastorale, puissent inviter les fidèles à participer totalement à l’Eucharistie en engageant leur conscience, leur piété et leur comportement dans l’action sacrée.

La révision de la liturgie eucharistique.

De l’article 52 à l’article 58, la Constitution Sacrosanctum Concilium énumère les points sur lesquels devra porter la restauration de la liturgie romaine : il sera nécessaire de mettre en évidence l’unité des rites de la messe. Ceux-ci ne doivent pas apparaître comme une juxtaposition de prières qui se sont ajoutées les unes aux autres au cours des siècles, ni comme une accumulation de gestes et de symboles, mais comme un tout cohérent dont les parties s’enchaînent avec une évidente logique et une réelle harmonie. Dans ce « tout », la Parole de Dieu doit retrouver une position essentielle. Voilà pourquoi on redonnera une place importante à la proclamation et à la méditation des textes bibliques.
Pour des raisons pastorales déjà évoquées plus haut, on pourra aussi utiliser - mais sans les imposer - les langues courantes. Dans ce cas, il faudra cependant veiller à ce que les chants latins de l’Ordinaire de la messe (Kyrie, Gloria, Credo, Sanctus, Pater, Agnus Dei) soient toujours sus par les fidèles.
La communion demeure le signe d’une participation totale à l’Eucharistie ; elle devra être encouragée et pourra, dans certains cas, se faire sous les deux espèces.
La liturgie de la Parole et la liturgie eucharistique proprement dite constituent un seul acte de culte auquel il convient de participer dans sa totalité les dimanches et jours de fête de précepte : ces deux parties de la messe devront donc être étroitement unies.
Enfin, la possibilité pour les prêtres de concélébrer l’Eucharistie est étendue. Alors que le rite romain hérité de Trente n’avait conservé la concélébration que pour la cérémonie d’ordination des prêtres, Vatican II, fidèle à un usage qui s’était maintenu dans toute l’Eglise, l’étend à plusieurs circonstances : la messe du Jeudi-Saint, les messes célébrées à l’occasion d’un synode, d’un concile ou d’une assemblée d’évêques, la messe célébrée pour la bénédiction d’un Abbé de monastère, les messes conventuelles et, avec la permission de l’évêque diocésain, les messes principales célébrées dans les églises paroissiales. Mais à l’évidence, le texte conciliaire ne demande pas que la concélébration puisse devenir une solution de facilité ou une habitude : elle ne doit en aucun cas priver les fidèles des messes qui pourraient être célébrées dans des sanctuaires autres que celui où sont réunis plusieurs prêtres.

Le but poursuivi par le Concile.

Quand on lit le texte de la Constitution Sacrosanctum Concilium, le but poursuivi par l’Eglise restaurant le rite romain apparaît clairement. Il a un double aspect :
- clarifier les rites en les dégageant d’éléments ajoutés à des périodes où l’affectif religieux avait parfois pu prendre le dessus au détriment d’une réelle théologie sacramentaire,
- sortir la liturgie du domaine de l’individualisme et du privé pour réaffirmer que toute célébration de l’Eglise est essentiellement un acte communautaire, tel que l’a affirmé Pie XII dans l’encyclique Mediator Dei.
On voit également que, contrairement à ce qui est parfois affirmé ou cru, le Concile n’invente pas un nouveau rite et ne « fabrique » pas une « nouvelle liturgie ». Il jette simplement les bases d’une restauration du rite romain, afin que puisse se faire et s’achever un travail de révision de la liturgie amorcé au XIXe siècle et souvent souhaité par les papes des temps modernes. Voilà pourquoi, à l’occasion du 25e anniversaire de la Constitution Sacrosanctum Concilium, Jean-Paul II pourra rappeler que « la réforme liturgique est strictement traditionnelle ».
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LA REVISION DES RITES LIES AUX SACREMENTS AUTRES QUE L’EUCHARISTIE.

Le chapitre III de la Constitution Sacrosanctum Concilium est entièrement consacré aux sacrements autres que l’Eucharistie.
Le document commence par faire une distinction entre « sacrements » et « sacramentaux » : si les premiers confèrent la grâce nécessaire au salut, les seconds ont essentiellement des effets spirituels permettant d’accueillir les sacrements. Les deux, cependant, découlent du mystère de la Passion et de la Résurrection du Seigneur et sont dirigés vers la sanctification de l’homme en même temps que vers la louange de Dieu.
Le texte conciliaire donne ensuite les grandes lignes de la révision des sacrements : les rites accomplis devront clairement signifier la nature et le but de chaque sacrement, et les langues courantes pourront occuper une plus grande place dans leur célébration. A côté du rituel romain qui sera revu pourront figurer des rituels particuliers prenant davantage en compte - moyennant une approbation du Saint-Siège - les besoins et les nécessités de cultures particulières.

Le baptême.

La révision du rite aura pour but d’adapter la cérémonie du baptême aux situations concrètes que connaissent aujourd’hui les enfants (baptêmes célébrés tardivement, enfants nés dans un contexte d’incroyance, enfants élevés dans des familles monoparentales, baptêmes donnés par des catéchistes en pays de mission où le taux de mortalité infantile implique l’urgence... etc.) En outre, pour les adultes souhaitant être baptisés, le sacrement lui-même pourra être précédé d’un catéchuménat, c’est-à-dire d’une formation échelonnée dans le temps et donnée en plusieurs étapes.

La confirmation.

Le rite de confirmation sera organisé en vue de manifester plus clairement le lien de ce sacrement avec l’ensemble de l’initiation chrétienne.

La pénitence (sacrement de la Réconciliation).

Ici, le texte conciliaire est particulièrement bref : en ce qui concerne la « confession », il se contente de souligner que le rite devra « exprimer plus clairement la nature et l’effet du sacrement ».

L’onction des malades.

L’ancienne « extrême-onction » devient l’ « onction des malades ». Simple changement de titre ? Non. Il s’agit de mieux faire comprendre que ce sacrement n’est pas réservé à ceux qui sont effectivement mourants, mais qu’il concerne aussi ceux qui simplement approchent de la mort, que ce soit en raison de la maladie ou de la vieillesse.

Le sacrement de l’ordre.

Les rites et les prières de l’ordination sacerdotale ou diaconale devront être révisés, l’usage des langues courantes étant admis pour les allocutions faites par l’évêque.

Le sacrement du mariage.

Les rites et les prières de la célébration du mariage devront signifier plus clairement la grâce du sacrement et souligner les devoirs des époux. En outre, puisque le mariage revêt souvent un aspect populaire, on pourra introduire dans la cérémonie religieuse certaines coutumes locales, à la condition que celles-ci soient en totale harmonie avec le sens chrétien du sacrement et sa dignité.

Les sacramentaux.

Le document conciliaire ne retient ici que deux sacramentaux bien que leur nombre n’ait pas été fixé de façon définitive :

La profession religieuse.

Les rites de la profession religieuse devront de préférence trouver leur place au cours d’une célébration eucharistique. Trois aspects de la cérémonie devront être mis en valeur : son unité, sa sobriété et sa dignité.

Les funérailles.

Le Moyen-Age finissant, marqué par une spiritualité quelque peu doloriste, avait donné à la liturgie des funérailles un caractère souvent dramatique. Aujourd’hui, c’est avant tout la tonalité pascale qui devra être remise en valeur : du point de vue pratique, cette modification conduira à varier les lectures faites au cours des messes d’enterrements, à introduire le chant de l’ « Alleluia » avant la proclamation de l’Evangile, et à supprimer de la liturgie eucharistique la prose « Dies irae ».
Le rite d’enterrement des petits enfants sera révisé et doté d’une messe propre dont le but pourra être d’affiner la théologie concernant le destin éternel réservé aux plus petits qui décèdent avant d’avoir pu être baptisés.

Le Concile n’indique que des grandes orientations...

Comme on peut le constater à la lecture de la Constitution Sacrosanctum Concilium, le Concile ne détaille pas les modifications qui devront toucher la liturgie ; il se limite à indiquer les grandes orientations d’une restauration liturgique visant à mieux signifier la cohérence entre la foi catholique et la façon dont cette même foi doit être célébrée en Eglise.
En outre, la juste application des principes énoncés dans la Constitution Sacrosanctum Concilium est étroitement liée à la doctrine ecclésiologique, c’est-à-dire à la connaissance de l’Eglise que chaque fidèle qui appartient à cette même Eglise par le baptême est en droit d’avoir.
Pour mieux comprendre l’importance de la restauration liturgique voulue par Vatican II, il faudra donc toujours se souvenir qu’il existe « un lien très étroit et organique entre le renouveau de la liturgie et le renouveau de toute la vie de l’Eglise. L’Eglise agit dans la liturgie, mais elle s’y exprime aussi; elle vit de la liturgie et elle puise dans la liturgie ses forces vitales ».
Il faut alors comprendre que méconnaître ou trahir la liturgie voulue par l’Eglise, c’est méconnaître et déformer l’image que l’Eglise veut donner d’elle-même pour engager les hommes sur la voie du salut en Jésus-Christ.

L’OFFICE DIVIN ET L’ANNE LITURGIQUE.

Au chapitre IV, la Constitution conciliaire sur la liturgie aborde la question de l’Office divin par lequel l’Eglise, jour et nuit, adresse sa louange à Dieu, plus généralement par la voix des prêtres, des moines et des moniales - à laquelle il est vivement conseillé que puisse s’associer celle des fidèles laïcs -.
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La valeur de l’Office divin.

Le Concile commence par rappeler la valeur unique de l’Office divin, louange de ceux qui se tiennent devant le trône de Dieu, au nom de l’Eglise, pour sanctifier la journée chrétienne.
Cette louange devra s’appuyer principalement sur les psaumes - dont la répartition sera modifiée -, sur les textes des Pères de l’Eglise, et sur les récits de la vie des saints rendus plus conformes à la vérité historique, c’est-à-dire amputés de certaines légendes ajoutées à diverses époques.

L’organisation de l’Office.

Au cours de l’histoire de l’Eglise, l’Office divin a pu apparaître aux yeux de certains clercs comme une « corvée » qu’il fallait faire le plus vite possible pour en être débarrassé. Peu après le Concile, un Abbé bénédictin racontait : « Il n’y a pas si longtemps encore, on trouvait dans certaines églises des chanoines qui « enfilaient » plusieurs offices les uns après les autres, si bien qu’ils réussissaient parfois même à dire les complies (Office du soir) avant même la messe capitulaire célébrée en matinée ! » C’est pour éviter une telle « braderie » de la prière que le document conciliaire envisage une révision de la distribution des offices tout au long de la journée : « le cours traditionnel des Heures sera restauré de telle façon que les Heures retrouveront la vérité du temps dans la mesure du possible (...) ».
Dès lors, la prière de l’Eglise va s’articuler autour de deux pôles de l’Office quotidien : les « Laudes » le matin, et les « Vêpres » le soir. En outre, les « Complies » devront bien marquer la fin de la journée. A côté des ces Heures, les « Matines » - qui sont une louange nocturne - seront allégées et pourront être célébrées à n’importe quelle heure de la matinée pour pallier aux contraintes de la vie moderne.
Quant aux trois « petites Heures » (Tierce, Sexte, None), elles ne seront conservées que par ceux qui célèbrent l’Office divin au chœur. Hors du chœur, il sera permis de ne dire qu’un seul de ces Offices, au moment le plus approprié.

Qui doit dire ou chanter l’Office divin ?


L’Office doit être dit en tout ou en partie - selon des cas précisés par le Concile - par les chanoines, les moines et les moniales, les Chapitres des cathédrales ou des collégiales, par les clercs des Ordres majeurs - c’est-à-dire les diacres et les prêtres -, et par les membres de certains instituts de vie religieuse. Que cet Office soit dit seul ou qu’il soit chanté en communauté, c’est toujours au nom de toute l’Eglise qu’il est prié : il est la voix de l’Eglise adressant à Dieu une louange publique.
Il est en outre vivement demandé aux fidèles laïcs de s’unir à cette forme officielle de prière, particulièrement par le chant des Vêpres le dimanche et les jours de fêtes solennelles.
Pour demeurer dans la grande Tradition de l’Eglise d’Occident, il est demandé aux clercs de conserver la langue latine lorsque l’Office est chanté en communauté ; la possibilité de dire les Heures dans la langue du pays peut cependant être concédée pour des cas individuels ou des circonstances particulières. Dans ces derniers cas, les traductions employées devront être approuvées.

L’année liturgique.

Au chapitre V, le texte conciliaire aborde le thème de l’année liturgique, c’est-à-dire du temps cyclique au cours duquel se déroule la liturgie permettant de commémorer, au dates prévues, les grands mystères de la Rédemption liées à la vie du Christ. Dans ce cycle liturgique sont aussi introduites les fêtes de la Vierge Marie qui a été unie à son Fils de façon toute particulière, ainsi que les mémoires des saints et des martyrs dont la vie a été exemplaire et qui, à ce titre, possèdent déjà le salut éternel.
Le Concile rappelle aussi que, tout au long de l’année, le dimanche tient une place de premier ordre : c’est le jour où les chrétiens se réunissent pour célébrer le mystère pascal. De ce fait, il est « le fondement et le noyau de toute l’année liturgique ».
Pour que le sens profond de l’année chrétienne puisse être redécouvert par les fidèles, Vatican II propose une révision du cycle liturgique : les fêtes du Seigneur devront être replacées au premier plan et non plus être effacées par les fêtes des saints qui, surtout à partir du XVIIe siècle, sont devenues prépondérantes. Quant au Carême, il devra retrouver sa fonction de préparation au baptême : temps de pénitence avant toute chose, il devra revêtir également une dimension sociale et extérieure. Pour ce qui est des fêtes des saints, elles seront réduites tout en laissant à chaque Eglise particulière la possibilité de célébrer les saints locaux, étant sauf le principe selon lequel les fêtes du Seigneur doivent demeurer premières.
La restauration du cycle liturgique voulue par Vatican II a donc été conçue pour mieux mettre en évidence le fait que le temps, scandé par le cycle de la lumière et des saisons, est bien autre chose qu’une « marche forcée » vers un destin qui nous échappe. Pour le croyant, le temps est une route bien balisée par le Christ qui emmène l’humanité vers Dieu. Sur cette route, chaque fête célébrée par l’Eglise est une étape importante au cours de laquelle le fidèle trouve toujours de quoi refaire ses forces en disant avec toute l’Eglise: « aujourd’hui » - « hodie » -. Car ce ne sont pas des actes passés que la liturgie demande de célébrer, mais bien des faits sans cesse « actualisés », à travers lesquels Dieu sanctifie l’homme.
Accepter le rythme de la liturgie c’est donc accepter de se laisser conduire par l’Eglise pour aller vers Dieu à travers le mystère du temps qui passe : dans ce temps que l’homme moderne cherche à mesurer avec toujours plus de précision pour satisfaire sa soif de tout calculer et de tout mettre en équation, chaque minute qui passe doit devenir un instant de grâce. La participation à la liturgie de l’Eglise est faite aussi pour le rappeler.

LA MUSIQUE SACREE ET LE CHANT LITURGIQUE.
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La forme « normale » que doit avoir la liturgie célébrée selon le rite romain est la forme chantée : toutes les parties de la messe ou de l’Office, depuis la simple oraison jusqu’aux textes les plus denses et en passant par la récitation des psaumes, ont été en effet prévues pour être déclamées selon des principes obéissant aux lois de la musique.
Voilà pourquoi le Concile Vatican II réserve une place importante à la question du chant, rappelant que c’est sous l’impulsion de S. Grégoire-le-Grand que s’est créé un répertoire de chants liturgiques constituant la tradition musicale de l’Eglise en même temps qu’un trésor inestimable. Le chant sacré lié aux paroles de la liturgie fait donc partie nécessaire ou intégrante de la forme solennelle que doit revêtir la liturgie à chaque fois que c’est possible.

La fonction du chant et le rôle des musiciens.

Le texte conciliaire commence par se référer à l’Ecriture et aux Pères, ainsi qu’aux travaux menés sous l’impulsion de S. Pie X à l’époque moderne, pour rappeler que le « chant sacré » exerce par lui-même une fonction ministérielle dans la liturgie.
Mais qu’est-ce que le chant sacré ? Tout chant exécuté au cours d’une célébration liturgique peut-il être qualifié de « sacré » ? Le Concile répond à cette double question en précisant que la musique sacrée doit être en étroite connexion avec l’action liturgique qui s’accomplit, et qu’elle doit rendre les rites plus solennels tout en donnant à la prière une expression plus douce, plus « suave ».
Pour que le chant puisse ainsi remplir son office, il est nécessaire qu’il soit cultivé, enseigné dès le plus jeune âge, et transmis par des maîtres formés avec soin. C’est principalement dans les séminaires et dans les maisons religieuses que doit être transmis, par des musiciens ayant eu une sérieuse formation liturgique, le trésor du chant sacré.

Le chant grégorien : chant liturgique par excellence.

S’il est un chant qui possède toutes les qualités du chant liturgique, s’il est une musique qui s’est développée au contact étroit avec la liturgie elle-même au point de faire corps avec elle, c’est bien le chant grégorien. Le Concile le rappelle avec vigueur : le répertoire grégorien constitue le chant propre de la liturgique romaine. A ce titre, c’est à lui d’occuper la première place dans les actions sacrées accomplies au nom de l’Eglise.
D’autres musiques peuvent certainement être introduites dans le rite romain, mais à condition que ce ne soit jamais au détriment du chant grégorien d’une part et, d’autre part, à condition que ces musiques aient toutes les qualités qui conviennent à la liturgie.
Autant reconnaître alors que toutes les musiques ne conviennent pas aux actions liturgiques, quand bien même elles seraient plaisantes aux oreilles contemporaines ou axées sur les capacités à émouvoir les fidèles. Sans le dire explicitement, le texte conciliaire rappelle ici que la rencontre qui se fait avec Dieu au cours d’une liturgie ne se limite pas aux simples sensations psychologiques que saurait susciter une musique composée en premier lieu pour plaire aux fidèles.
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Les vertus du chant grégorien.

En liturgie, le chant grégorien ne doit pas être considéré comme une forme musicale plus intéressante qu’une autre ou, plus simplement, comme un chant qu’on met dans certaines célébrations « pour faire beau ». Il est bien plus que cela ; il est plus qu’une musique « religieuse » puisqu’il est la plus parfaite traduction, au plan esthétique, de la liturgie romaine. Il est en quelque sorte lui-même cette liturgie mais comme dilatée, comme portée à son plus haut degré d’expression. De ce fait, le chant grégorien - même si l’on n’en saisit pas immédiatement tous les mots - est capable de diffuser aux fidèles un message spirituel plus universel, plus complet, plus « intériorisable » que ne peut être le message d’une liturgie simplement agrémentée de cantiques ordinaires.
Si l’Eglise reconnaît la valeur didactique du chant grégorien, c’est parce qu’elle sait qu’ajouté aux rites d’une célébration, il permet cette ouverture du cœur et de l’âme par laquelle sont donnés aux fidèles attentifs les moyens d’assimiler la doctrine transmise par la liturgie. De quelle façon ? En mettant en œuvre un procédé de connaissance des réalités divines qui passe davantage par le canal du sensible et de l’expérience que par la seule voie de la conceptualisation. La richesse de ce chant liturgique par excellence tient donc au fait qu’il n’ouvre pas seulement sur un contenu théologique (et biblique) accessible à la seule raison, mais qu’il débouche sur une parfaite expression de la foi à vivre et à transmettre.
Comme l’a souligné le Cardinal Danneels, « la liturgie ne peut devenir l’expression de nous-mêmes ». Ainsi, s’il y a toujours un risque à ne célébrer que pour « subjuguer les rites » et, de cette façon, instrumentaliser la liturgie, il y a aussi un autre risque : ne chanter que pour se faire plaisir. Certainement la liturgie et le chant s’adressent à nos sens, mais pour autant ils ne sont pas là pour les flatter. Il peut y avoir une grande joie sensible à chanter une belle polyphonie ou un simple cantique populaire ; mais cette joie, légitime en elle-même, doit d’abord être - dans le cadre spécifique de la liturgie - au service de des dispositions intérieures du croyant qui utilisent les éléments sensibles des rites sacrés pour le conduire vers la contemplation de l’Invisible. Or cela, le chant grégorien l’a comme parfaitement compris : il ne flatte pas nos sentiments mais il les canalise, les purifie, pour les mettre à la disposition de notre capacité d’appréhension du mystère célébré.
A l’instar de toute liturgie véritable, toute musique liturgique authentique doit être avant toute chose un don, une louange gratuite que l’Eglise adresse à Dieu par le sacrifice d’action de grâce du Christ, et non uniquement une construction intellectuelle visant à traduire ou à exacerber des sentiments personnels plus ou moins ordonnés, plus ou moins justes.
Et c’est parce qu’elle est à la fois don et louange que la musique liturgique, tout comme la liturgie elle-même, doit être « digne et juste » : « vere dignum et iustum est... » chante la préface. Une musique qui ne serait que belle mais ne serait ni « digne » ni « juste », risquerait de n’être perçue et reçue que comme un moyen de satisfaire un désir d’esthétisme, que comme un objet de divertissement et de délectation, comme c’est généralement le cas pour les musique données en concert. Or, la liturgie n’est pas un concert, et le chant liturgique doit absolument veiller à demeurer à l’abri d’un tel écueil afin de demeurer une « icône », c’est-à-dire une « images (sonore) habitée par une présence », et non l’émanations d’un sentiment humain uniquement tributaire d’une religiosité de surface guidée par le subjectivisme ou la mode qui caractérise les sociétés post-chrétiennes.
De par sa nature, le chant grégorien échappe aux dangers qui viennent d’être énumérés : avant d’être un motif de satisfaction esthétique, il est un langage qui réalise ce qu’il énonce, un langage qui permet davantage une saisie globale de la liturgie qu’une compréhension fragmentée des rites. Il est aussi le chant qui favorise le mieux la « participation active » à la liturgie. En révélant Dieu qui, dans la célébration liturgique, agit au sein du monde créé, il conduit à découvrir et à respecter le mystère de la Présence divine et il enseigne le sacré : il place le fidèle dans une sorte de « réserve » où sont protégées les dimensions les plus délicates et les plus menacées de son existence humaine.
Le chant grégorien est comme un maître délicat qui prend tout son temps pour enseigner : s’il aime couvrir les paroles de la liturgie d’un voile, d’une ombre, ce n’est pas pour dissimuler le sens de ce que les fidèles sont invités à proclamer, mais pour faire en sorte que le sens de ce qui est célébré ne se révèle que progressivement, en sorte que ceux qui participent à la liturgie de l’Eglise ne soient jamais tentés de s’autocélébrer, mais qu’ils demeurent tendus vers Celui qui agit au cœur de la prière.

LA FORME DE LA LITURGIE ROMAINE RESTAUREE A LA SUITE DE VATICAN II.

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C’est le 3 avril 1969 que, par la Constitution apostolique Missale Romanum, le pape Paul VI promulgue le Missel romain restauré selon les grandes lignes définies par le concile Vatican II. Cette Constitution comprend trois parties :
- un bref rappel historique,
- une présentation du nouveau Missel romain,
- un rappel des buts poursuivis par la restauration de la liturgie romaine.

Rappel historique.

Le Missel romain promulgué en 1570 par Pie V, en application d’un décret du concile de Trente, a fourni aux prêtres de rite latin, pendant quatre siècles, la norme de la célébration. L’ordonnance de la Messe, telle qu’elle était précisée dans cet ouvrage, remontait pour l’essentiel à S. Grégoire-le-Grand. Or, les nouvelles conditions dans lesquelles l’Eglise devait poursuivre son œuvre dans la période contemporaine ont montré clairement que les formules de ce Missel romain « tridentin » devaient être révisées ou enrichies.
Voilà pourquoi « le IIème concile oecuménique du Vatican a établi dans la Constitution Sacrosanctum Concilium les bases d’une révision générale du Missel romain en déclarant que « les textes et les rites doivent être organisés de telle façon qu’ils expriment avec plus de clarté les réalités saintes qu’ils signifient » ; en ordonnant « que le rituel de la Messe soit révisé de telle sorte que se manifestent plus clairement le rôle propre ainsi que la connexion mutuelle de chacune des parties, et que soit facilitée la participation active des fidèles » ; en prescrivant « qu’on ouvre plus largement les trésors bibliques, pour présenter aux fidèles avec plus de richesse la table de la Parole de Dieu » ; en prescrivant enfin « que soit composé un rite nouveau de la concélébration, qui devra être inséré dans le Pontifical et dans le Missel romain » (...) Si, au lendemain du Concile de Trente, la consultation « des vieux manuscrits de la Bibliothèque vaticane et d’autres rassemblés de partout » a beaucoup servi à la révision du Missel romain, comme l’atteste la Constitution Quo primum, de S. Pie V, depuis lors les sources liturgiques les plus anciennes ont été découvertes et publiées, tandis que les liturgies orientales étaient mieux connues; et nombreux sont ceux qui ont souhaité que de telles richesses doctrinales et spirituelles ne demeurent pas dans l’ombre des bibliothèques, mais qu’elles soient mises en lumière pour éclairer et nourrir les chrétiens ».

Présentation du nouveau Missel romain.

Après ce bref rappel historique, la Constitution Missale romanum de Paul VI présente la nouvelle composition du Missel. Celui-ci comprend d’abord une « présentation générale » où sont exposées les règles de la célébration de la Messe : rites, rôle et fonctions de chaque acteur de la liturgie, objets nécessaires à la célébration et disposition des sanctuaires.
La Constitution présente ensuite les éléments introduits ou réintroduits dans la liturgie romaine et dont certains pourront passer pour des « nouveautés » tant il y a longtemps qu’ils avaient été abandonnés bien que traditionnels. Ces éléments sont :
- le rite pénitentiel au début de la célébration,
- la prière universelle (après le Credo),
- la lecture d’un passage de l’Ancien Testament (ou, au temps pascal, des Actes des Apôtres),
- des préfaces nouvelles ou puisées dans la tradition romaine,
- trois Prières eucharistiques,
- une formule de consécration permettant le chant de l’anamnèse par les fidèles.
En outre, les lectures dominicales sont réparties sur un cycle de trois ans, et certains rites inutilement doublés - surtout à la Messe chantée selon le missel romain « tridentin » - sont supprimés.
Enfin, La Constitution de Paul VI maintient l’usage du Graduel romain pour ce qui concerne le chant liturgique.

Les buts poursuivis par la liturgie restaurée.

La liturgie romaine restaurée, telle qu’elle est définie dans le Missel promulgué sous l’autorité de Paul VI, se donne pour objectifs d’être un signe et un instrument d’unité pour les chrétiens, à l’instar de ce que put être le rite romain codifié dans le missel issu du Concile de Trente.
Le Missel romain rénové, qui fait force de loi - point rappelé par Benoît XVI - pour la liturgie eucharistique, remplacera « ordinairement » l’ancien missel dit « de S. Pie V » à partir du 30 novembre 1969, premier dimanche de l’Avent. Il y est rappelé que la célébration de la messe, qui est le centre de toute la vie chrétienne, doit être réglée de façon à ce que tout les fidèles puissent y participer selon leur condition, et recueillir les fruits que le Seigneur à voulu à voulu faire obtenir en instituant l’Eucharistie et en la confiant à son unique Eglise. Il y est également redit que, puisque toute la liturgie se fait à l’aide de signe sensibles qui nourrissent, fortifient et expriment la foi, il est nécessaire que les célébrations soient organisées comme le demande l’Eglise, c’est-à-dire en suivant les règles données par le Missel romain.

Le déroulement de la messe selon le rite romain restauré à la suite de Vatican II.


Dans un sous-chapitre de son Introduction Générale appelé « forme typique (de la célébration) », le Missel restauré présente d’une façon très claire la façon dont doit se dérouler à présent la Messe célébrée selon le rite romain. C’est cette « forme typique » qui doit être suivie, réalisée, lorsque rien ne s’y oppose ; selon le Droit, les exceptions à cette forme ne sont légitimes que si l’on a d’abord sincèrement cherché à réaliser ce que demande de faire l’Eglise mais que des circonstances extérieures ont empêché de suivre fidèlement les règles de la célébration données par le Missel.

La forme typique de la liturgie romaine actuelle.

L’ouverture de la célébration.

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Lorsque les fidèles sont rassemblés, le prêtre et les ministres, portant les vêtements liturgiques prescrits, s’avancent vers l’autel dans l’ordre suivant:
- le ministre portant l’encensoir fumant ;
- les ministres qui portent les cierges et, au milieu d’eux, le ministre portant la Croix ;
- les acolytes et les autres ministres ;
- le lecteur portant l’évangéliaire ;
- le prêtre qui va célébrer la messe.
Pendant la procession, on exécute le chant d’entrée dont « le but est d’ouvrir la célébration, de favoriser l’union des fidèles rassemblés, d’introduire leur esprit dans le mystère du temps liturgique ou de la fête, et d’accompagner la procession du prêtre et des ministres ». Parvenus à l’autel, le prêtre et les ministres le saluent de la façon requise : soit ils font une inclination profonde, soit, s’il y a un tabernacle avec le Saint-Sacrement, ils font la génuflexion. La Croix de procession est placée près de l’autel de façon à être bien visible, les chandeliers sont disposés comme il faut sur ou autour de l’autel, et l’évangéliaire est posé sur l’autel. Le prêtre monte à l’autel, le vénère par un baiser, puis l’encense en en faisant le tour si c’est possible. Après cela, il se rend à son siège. On achève alors le chant d’entrée. Tourné vers les fidèles et étendant les mains, le prêtre salue l’assistance avec l’une des formules proposée par le Missel.

La préparation pénitentielle.

La préparation pénitentielle, toujours obligatoire, peut se faire à l’aide de diverses formules données par le Missel, dont le Confiteor. Il n’est pas inutile de préciser ici que le chant du Kyrie eleison ne peut servir à la liturgie pénitentielle que s’il est précédé d’intentions de prières.

La première oraison de la célébration.

Après la préparation pénitentielle, on dit ou on chante le Kyrie puis le Gloria. Après quoi, le célébrant invite les fidèles à la prière : il dit « Prions le Seigneur » (ou « Oremus »), fait quelques instants de silence pour permettre la prière personnelle, puis, étendant les mains, dit la prière d’ouverture (collecte) à laquelle les fidèles répondent « Amen ».

La liturgie de la Parole.

La collecte achevée, le célébrant et tous les autres fidèles s’asseyent. Le lecteur se rend à l’ambon pour faire la première Lecture. Après quoi, on chante le psaume responsorial ou le graduel.
Vient ensuite la seconde Lecture après laquelle on chante l’ « Alleluia » du jour ou, durant le carême, le « Trait » (Tractus). Pendant qu’on exécute ces pièces, le prêtre met de l’encens dans l’encensoir que lui présentent les acolytes. Puis il se rend devant l’autel, s’incline profondément pour réciter, mains jointes, la prière « Munda cor », va prendre l’Evangéliaire qui a été posé sur l’autel au début de la messe, et se rend à l’ambon pour y proclamer l’Evangile du jour. Le déplacement du célébrant de son siège à l’ambon peut être accompagné des acolytes formant cortège et portant l’encensoir et des cierges.
A l’ambon, le prêtre ouvre l’évangéliaire et dit « Le Seigneur soit avec vous » (« Dominus vobiscum »). Quand l’assemblée a répondu, il annonce « Evangile de Jésus-Christ selon N. » (« Lectio sancti Evangelii secundum N. ») tout en traçant un signe de Croix avec le pouce sur le livre, puis sur lui-même, au front, sur la bouche et sur le cœur. Il encense ensuite l’Evangéliaire.
L’Evangile proclamé, le célébrant chante « Acclamons la Parole de Dieu » (« Verbum Domini »), embrasse le livre pendant que l’assemblée répond, et dit à voix basse « Que cet Evangile efface nos péchés ».
Le célébrant fait ensuite une homélie pour expliquer aux fidèles un aspect des lectures qui viennent d’être proclamées, ou point des textes de l’ordinaire ou du propre de la Messe.
Après l’homélie, toute l’assemblée dit ou chante le Symbole, ou « profession de foi », c’est-à-dire le « Credo ».
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Les prières universelles.

« Je recommande donc avant tout qu’on fasse des demandes, des prières, des supplications, des actions de grâce pour tous les hommes, pour les rois et tous les dépositaires de l’autorité, afin que nous puissions mener une vie calme et paisible en toute piété et dignité. Voilà ce qui est bon et qui plaît à Dieu notre Sauveur, lui qui veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité. » Ainsi s’exprimait l’Apôtre Paul en sa première lettre à Timothée où se dessine l’ébauche de l’organisation des communautés chrétiennes des temps apostoliques. La prière des fidèles y apparait comme un moyen de réaliser le projet de Dieu : amener les hommes à Lui afin de leur offrir le salut éternel. Les plus anciennes descriptions de la liturgie dominicale, celles de Justin au IIe siècle et d’Hippolyte de Rome au siècle suivant, témoignent de la fidélité des Eglises au précepte de saint Paul : « On lit les mémoires des Apôtres et les récits des Prophètes (...) Quand le lecteur a fini, celui qui préside prend la parole pour inciter et exhorter à l’imitation de ces belles choses. Ensuite nous nous levons tous ensemble et nous faisons des prières. » « Avec ferveur nous faisons des prières communes pour nous-mêmes, pour le néophyte, et pour tous les autres, où qu’ils soient, afin que nous soyons trouvés justes pour notre vie et nos actions, et fidèles aux commandements pour obtenir le salut éternel. »
La Tradition apostolique d’Hippolyte de Rome présente quant à elle la prière universelle comme une prérogative des fidèles : les nouveaux baptisés, qui étaient congédiés après la liturgie de la Parole pendant leur catéchuménat, y participent pour la première fois. Variable quant à sa forme selon les régions, cette prière des fidèles a été supprimée au courant du IVe siècle : le sacramentaire léonien, apparu en 560, n’en porte plus aucune trace. Connue à Rome sous une forme voisine de nos litanies du Vendredi saint, elle a sans doute été abandonnée après l’introduction du « Kyrie » dans la liturgie de la messe. Cette dernière prière, attribuée au pape Gélase Ier (492-496), se présentait à l’origine elle aussi sous une forme litanique, rythmée par les réponses « Domine, exaudi et miserere » ou « Kyrie eleison ». Disparue sous les atteintes du temps, la prière universelle a retrouvé au bout de quatorze siècles sa place initiale avec la restauration liturgique mise en œuvre par le Concile Vatican II : « La prière commune, ou prière des fidèles, sera rétablie après l’Evangile et l’homélie, surtout les dimanches et fêtes de précepte, afin qu’avec la participation du peuple on fasse des supplications pour la sainte Eglise, pour ceux qui détiennent l’autorité publique, pour ceux qui sont accablés par diverses souffrances, pour tous les hommes et le salut du monde entier. »
Déjà considérée par Hippolyte de Rome comme un droit propre aux baptisés, la prière universelle, qui conclut la liturgie de la Parole et introduit à la liturgie eucharistique, est l’expression de la prière de toute l’assemblée, d’où son nom de « prière des fidèles » ; par la prière universelle, « le peuple exerce sa fonction sacerdotale en priant pour tous les hommes » : « S’il convient que les intentions soient proférées par le diacre, le chantre ou un autre, c’est l’assemblée qui exprime sa supplication soit par une invocation commune à la suite des intentions, soit par une prière silencieuse ». Au célébrant revient le rôle de « diriger cette prière, d’y inviter les fidèles par une brève monition et de conclure par une oraison ? » Quant au contenu de cette prière, « ce sont des demandes adressées à Dieu pour qu’il daigne protéger l’Eglise, les hommes de toute la terre et la communauté rassemblée en ce moment même pour célébrer l’Eucharistie ».
On retrouve dans le schéma précisé par la Présentation Générale du Missel Romain - les besoins de l’Eglise, les dirigeants des affaires publiques et le salut du monde entier, ceux qui sont accablés par une misère, la communauté locale - les grandes intentions déjà formulées dans les Constitutions apostoliques et l’Euchologe de Sérapion, deux recueils liturgiques du IVe siècle : l’Eglise, le clergé, les catéchumènes, ceux qui détiennent l’autorité, la cité, ses habitants, les malades, les exilés, les esclaves, les proscrits, les navigateurs, les voyageurs, ceux qui persécutent les chrétiens. On notera bien le caractère « universel » de cette prière. Elle est portée aux intentions du monde entier, et ce n’est qu’après et secondairement que viendront les problèmes de la communauté locale. Ajoutons encore que ces prières, loin d’être la simple expression des désirs et des souhaits (aussi légitimes puissent-ils être) d’un groupe particulier, ont pour but le salut du monde ainsi que l’expriment aussi bien saint Paul que le Concile Vatican II. C’est en ce sens que la prière universelle est une introduction à la liturgie eucharistique, mémorial du sacrifice du Christ offert « pour la gloire de Dieu et le salut du monde ».
C’est au célébrant d’inviter les fidèles à la prière et de conclure. Après chaque intention de prière, les fidèles peuvent soit chanter un bref refrain, soit faire un instant de silence.

La liturgie eucharistique.

Pendant que la schola commence le chant d’offertoire, les acolytes préparent l’autel en y disposant le corporal, le purificatoire, le calice et le Missel. Quand tout est prêt, le célébrant se rend à l’autel pour y recevoir les dons : la patène contenant les hosties, les burettes de vin et d’eau. Si un diacre est présent, c’est lui qui reçoit les dons apportés par les acolytes et qui les présente au célébrant. Ces gestes et ces rites sont accompagnés des formules données par la tradition liturgique et précisées dans le Missel.
Le chant d’offertoire se poursuit au moins jusqu’à ce que les dons soient disposés sur l’autel par le diacre ou le prêtre.
Après avoir offert le pain et le vin, le célébrant encense les dons qui sont sur l’autel, puis l’autel lui-même. Après quoi, le diacre ou un acolyte encense le prêtre puis l’assemblée. L’encensement achevé, le célébrant, revenu au milieu de l’autel, s’incline pour dire la prière « Humbles et pauvres » (« In spiritu humilitatis... »), puis il se rend sur le côté de l’autel pour se laver les mains en disant à voix basse la prière fixée.
De retour au centre de l’autel, le prêtre se tourne vers le peuple, étend les mains et dit « Prions ensemble au moment d’offrir... » (« Orate fratres... »). Après la réponse donnée par l’assistance, il commence le dialogue de la préface, puis la préface elle-même. Cette dernière étant achevée, toute l’assemblée chante ensemble le Sanctus-Benedictus. C’est ensuite la prière eucharistique. Celle-ci peut être simplement dite, mais elle peut aussi être totalement chantée recto tono. Un peu avant la Consécration et l’élévation, un acolyte peut attirer l’attention des fidèles avec une clochette ; il sonnera aussi à l’élévation de l’hostie et du calice.
Le célébrant a le choix entre plusieurs prières eucharistiques :
- la prière eucharistique I, ou « canon romain », est celle qui se trouvait déjà dans le Missel d’avant Vatican II ; c’est, d’une certaine façon, la plus « traditionnelle ».
- les prières eucharistiques I, II, et III, ont été insérées dans le Missel actuel à la suite de Vatican II. Elles ont été composées à l’aide d’éléments très anciens.
- d’autres prières eucharistiques ont été approuvées. Elles sont souvent le fruit de l’immédiat après-Concile, époque à laquelle on pensait probablement pouvoir susciter l’intérêt des fidèles à la liturgie en créant sans cesse des prières « de circonstance ». Soulignons que ces prières eucharistiques sont loin d’être toutes des réussites et qu’elles demeurent souvent des expériences ponctuelles qui, à ce titre, n’ont jamais mérité de figurer officiellement dans le Missel, même si l’on est en droit de les utiliser en certaines circonstances limitées.
Toutes les prières eucharistiques s’achèvent par une doxologie (« Par Lui, avec Lui et en Lui... » ; « Per ipsum et cum ipso et in ipso... ») à laquelle l’assistance répond « amen ».
On dit ensuite le « Notre Père » (« Pater noster ») qui est continué par le prière et le rite pour la Paix. Après quoi, on chante l’ « Agneau de Dieu » (« Agnus Dei »), pendant que le célébrant rompt l’Hostie et en laisse tomber une parcelle dans le calice en disant les prières liturgiques prévues.
Vient ensuite le rite de communion : le célébrant communie au Corps et au Sang du Christ, puis donne la communion aux ministres qui la désirent, et va enfin donner la communion aux fidèles qui s’approchent de l’autel en procession. Pendant ce temps, la schola exécute l’antienne de communion et des versets de psaume. Le texte de cette antienne correspond au thème de l’Evangile du jour et reprend souvent, sous une forme plus condensée, un aspect de la pensée développée dans l’antienne d’ouverture de la célébration (Introït).

Les rites finaux.

Lorsque la communion est achevée, le célébrant revient à l’autel et procède à la purification des vases sacrés ; ceux-ci sont ensuite placés par un acolyte sur une crédence, en sorte que l’autel apparaisse à nouveau aussi dépouillé qu’il l’était au début de la célébration, signe que l’action liturgique touche à sa fin, que le banquet du Seigneur est achevé.
Après un moment de silence favorisant la méditation et l’action de grâce de tous, le célébrant se lève pour dire la dernière prière (postcommunion) ; l’assistance répond « Amen ». Cette oraison étant proclamée, si c’est nécessaire, le célébrant ou un autre ministre peuvent faire quelques brèves annonces pour la paroisse. Ensuite, le prêtre étend à nouveau les bras pour saluer une dernière fois les fidèles en disant « Le Seigneur soit avec vous » (« Dominus vobiscum ») ; et il ajoute immédiatement : « Que Dieu tout puissant vous bénisse... etc. » (« Benedicat vos omnipotens Deus... etc. »). Le prêtre vénère l’autel en l’embrassant comme au début de la célébration puis, avec tous les ministres, il le salue (inclination ou génuflexion suivant la présence ou non d’un tabernacle contenant les saintes Espèces). Tous forment alors un cortège pour se rendre à la sacristie.
Le célébrant, conscient de l’action qu’il vient de faire, est invité à faire une méditation silencieuse et à rendre grâce au Seigneur ; pour ce faire, le Missel lui propose une série de prières.
Remarquons au passage que le rite romain ne prévoit aucun « chant de sortie ».

Conclusion.

Comme on le voit, cette « forme typique » de la liturgie romaine restaurée a des avantages :
- le lien assistance-célébrant est mieux affirmé,
- les rites essentiels ont été dépouillés d’ajouts tardifs devenus encombrants avec le temps,
- les rôles de chacun des acteurs de la liturgie sont mieux définis et n’empiètent pas les uns sur les autres,
- les prières inutilement doublées ont été éliminées
- la forme de la liturgie ainsi définie - lorsqu’elle est respectée et dignement mise en oeuvre - se rapproche étonnamment de la première forme connue du rite romain.

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